Peau d’Homme, une fable sur l’amour, le désir et l’acception de soi

« Les femmes de notre famille, nous avons un secret, nous avons en notre possession une peau d’homme. »

Étant jeune, j’ai souvent eu envie d’avoir cette possibilité, de pouvoir me transformer en garçon, de temps en temps, pour voir comment on se comporterait avec moi. Je voyais bien que mon entourage n’avait pas la même façon d’agir avec mes amis, cousins qu’avec moi. On ne m’autorisait pas à faire les mêmes choses ou j’avais des obligations que les garçons, eux, n’avaient pas.

C’est pourquoi j’ai été vite captivée et complètement fascinée par Peau d’Homme que j’ai dévoré en une soirée.

On suit Bianca, issue d’une famille de châtelains, qui cherche à connaître le fiancé qu’on lui a assigné. Pour ce faire, sa marraine va lui remettre une peau d’homme qu’elle pourra enfiler dès qu’elle voudra plonger dans le monde des hommes, qui ne lui est pas accessible en tant que femme. Bianca devient donc Lorenzo et voit sa vie complètement bouleversée, pour son plus grand bonheur et au prix de grandes déceptions. Elle va donc évoluer alternativement dans un monde d’hommes et de femmes, en tentant, en tant que Bianca, et en tant que Lorenzo, de faire évoluer les mœurs et l’image du désir féminin.

Peau d’Homme vient questionner le rapport au genre et aux sexualités. Il vient mettre sur un même pied d’égalité les envies sexuelles des femmes et celles des hommes.

Les personnages sont creusés, leurs personnalités décortiquées et leurs doutes/peurs mis en avant dans le contexte du Moyen Âge où la religion dicte les lois et enferme les choix.

L’un des personnages marquant est le grand prêcheur, qui est le frère de Bianca, un fanatique qui va progressivement mettre en place un régime de peur dans la cité. La population va voir, au fur et à mesure, ses droits s’amoindrir en commençant par ceux des femmes puis des personnes homosexuelles… mais Bianca/Lorenzo va se battre contre cette oppression.

Hubert, le scénariste de Monsieur désire ? (que je vous invite à lire, superbement illustré par Virginie Augustin), décédé en février 2020, nous offre une nouvelle fois un scénario bougrement bien ficelé et intelligent. Dans ses BD, Hubert explorait très souvent les sexualités et les relations au corps dans les questionnements les plus intimes (par exemple, la très belle BD La chair de l’araignée qui traite de l’anorexie et de fausses images que l’on peut avoir sur son propre corps). Son travail est beau et sa plume y est vive et teintée de tendresse et d’humour.

Zanzim, illustrateur sur cette BD, invite, par ses dessins, à suivre l’itinéraire incroyable de Bianca. J’avais découvert son travail dans la BD L’Île aux femmes, où l’on suit un héros qui va se retrouver enfermée dans une société matriarcale. Il y questionnait déjà la relation femmes-hommes. J’avais été séduite par l’aspect naïf de ses dessins et des couleurs vives utilisées pour appuyer des propos particulièrement forts. Zanzim a dû finaliser le travail de son ami Hubert à titre posthume.

Hubert à commencé à réfléchir à cette bande dessinée au moment des rassemblements contre le mariage pour tous. Il était en colère et a décidé d’y répondre avec ce merveilleux conte. Il nous offre une dernière très belle œuvre sur les questions d’identité, du poids de la famille, de la religion et de la société.

Une fable qui attaque la morale, la religion et la bourgeoisie avec beaucoup d’humour. Hubert et Zanzim nous offrent une superbe BD sur l’émancipation et la liberté amoureuse. À découvrir au plus vite !