Chanson douce, de Leïla Slimani

À première vue, Chanson Douce de Leïla Slimani penche plutôt vers le thriller. Après tout, le livre débute avec un meurtre glaçant : deux enfants meurent assassinés par leur nounou. Commencer par la fin, sonner le glas avant même que l’histoire débute, il fallait oser. 

Mais le récit de Slimani va bien au-delà du roman à suspense. Il traite de sujets tels que la maternité, la classe sociale, la violence familiale et la place d’une femme dans tout cela. Une sorte d’approche intersectionnelle du féminisme : le combat n’est pas le même pour tout le monde. 

D’une part, il y a Myriam. Diplômée en droit, sa carrière a pris fin avant même de débuter, quand elle est tombée enceinte. Contrairement à son mari, Myriam est seulement perçue de part sa relation avec ses enfants. Situation qui la fait souffrir intérieurement, mais qu’elle n’ose pas exprimer de peur de passer pour une mauvaise mère – le plus grand des sacrilèges aux yeux d’une société patriarcale. 

Cependant, Myriam contredit ce discours imposé, refuse de se cantonner au rôle de génitrice et décide d’entamer sa carrière d’avocate, malgré les réticences de son conjoint. C’est là qu’entre en scène Louise.

Louise, la nourrice. Une employée, mais de laquelle on s’attend à un dévouement maternel. Elle fait bien plus que de s’occuper des enfants : elle nettoie, elle cuisine, elle repasse. Elle remplit le rôle stéréotypé de la mère au foyer. Elle reste au-delà de ses heures de travail, sans qu’on le lui demande, et se dévoue complètement, sans rien attendre en retour. Louise semble faire preuve d’une dévotion sans limites, et cela, paradoxalement, contribue à son invisibilisation et son aliénation. 

Ces deux femmes qui se côtoient quotidiennement et vivent de manière intime ont néanmoins des interrogations, des conflits internes, des ambitions divergentes. Elles cohabitent mais évoluent en réalité dans des milieux différents. Elles représentent aussi deux figures de la maternité. Si Myriam repousse la figure traditionnelle de la mère, Louise l’assume jusqu’à l’extrême, jusqu’à l’infanticide.

Couronnée du prix Goncourt 2016 pour ce roman, Leïla Slimani, avec une écriture incisive et directe, communique parfaitement le malaise ambiant qui découle des rapports sociaux entre ces deux femmes.