Zoom sur… Samia Ramdani

C’est en voisine que j’ai rencontré Samia Ramdani dont j’avais apprécié le travail de metteuse en scène dans Ni vues, ni reconnues, un texte écrit par Alexia Cascales et Anne Comte et découvert lors des journées du Matrimoine 2023 à Montreuil. Cet article vous rafraîchira sans doute la mémoire. Fille des communes du 93, elles les a toutes habitées et a posé ses valises dans sa ville natale chérie, Montreuil bien sûr, le nombril du monde des gens du spectacle. Depuis une vingtaine d’années, elle pratique le théâtre, l’incarne, l’enseigne à Paris 8, l’écrit, quand elle ne dirige pas des comédien.nes. Elle me parle de ses premières amours à la fac en Histoire, à la grande époque de Michèle Perrot où on découvrait une Histoire sociale, militante, à distance des grandes dates. Le sujet qui la passionne alors, c’est le vote des « musulmanes » (comprendre les autochtones) en Algérie, la période coloniale l’intéresse tout particulièrement. Cette sensibilité à la lutte pour les droits des femmes, on la retrouve aujourd’hui dans le choix de ses créations qui ont à cœur la légitimité d’une condition féminine trop souvent minorée.

Les 9 et 10 mars 2024, elle revient avec une proposition unique, un one shot imaginé pour le CNAM qui s’est emparé du sujet de la visibilité des femmes de sciences et de techniques avec cette formule « Où sont les femmes ? » qui je l’espère n’est pas un mauvais jeu de mot du think tank mascu du musée qui adore chanter du Patrick Juvet en soirée. Bon on ne viendra pas pour le titre, vous l’aurez compris, mais pour la Compagnie Les Envolées à qui le musée a confié un programme artistique alléchant.

Avec Marie-Hélène Grimigni cette fois comme acolyte de scène, elles ont imaginé une visite théâtralisée à travers les salles du Musée des Arts et Métiers, à la rencontre des chercheuses, des savantes, des curieuses qui ont fait bouger les lignes de la connaissance et de l’Histoire. Samia Ramdani me confie son étonnement en s’apercevant que les femmes étaient partout et nulle part à la fois dans ce musée. Partout car les objets exposés dans les vitrines étaient la preuve tenace de leur existence, de leur passage, mais rares étaient les traces de leur autorité, de leur lien à ces objets. Il fallait donc imaginer un dispositif pour remettre ces silhouettes à côté du fruit de leur recherche. Sous forme de flashback, le public surprendra des dialogues fictifs mais vraisemblables entre Mme Lavoisier et Mme Du Châtelet, éminentes chimistes du 18e siècle, ou encore Alice Guy, la première réalisatrice, et Musidora, l’égérie des Surréalistes et véritable punk des années folles. Les demoiselles du téléphone et les Suffragettes seront présentes elles aussi, sous les traits d’anonymes, histoire de rappeler que la valeur n’est pas liée à un statut d’exception. N’oublions pas qu’après leurs inventeurices, les machines géniales sont devenues les outils de travail du monde ouvrier : tisseuse, cardeuse, employées des PTT, conductrice…Il n’est jamais inutile de rendre leur nom aux grandes femmes, mais aussi de restituer aux masses invisibles ce que la postérité leur doit.

Nourrie de littérature, comme on pouvait s’en douter, je quitte Samia Ramdani sur une recommandation littéraire, ou plutôt deux car le choix est trop difficile. Elle avoue chérir Femmes, race et classe d’Angela Davis qui a pointé du doigt les relations conflictuelles du féminisme et des mouvements pour l’émancipation du peuple noir au 19e et 20e siècle. Elle admire aussi le travail hybride de Danièle Flaumenbaum qui, dans Femme désirée, femme désirante, croise gynécologie, médecine chinoise, psychanalyse et approche transgénérationnelle pour éclairer la sexualité féminine. Avis aux chroniqueuses de combler ces deux références manquantes à notre Panthéon des Dames.

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, venez découvrir les collections du CNAM sous un éclairage féminin samedi 9 et dimanche 10 mars de 10h à 18h !

Musée des Arts et Métiers
60 rue Réaumur
Paris 3e