Ode à l’ennui et à l’amour, Un Certain Sourire de Françoise Sagan

Dominique, étudiante à la Sorbonne, s’ennuie. Elle est avec Bertrand, mais leur relation défaille face à ses manières dominantes et son indifférence à elle.  Lorsqu’il lui présente son oncle, Luc, tout se chamboule. S’ensuivra une liaison secrète, faite d’embrassades en cachette et d’escapades au soleil. Ce sera une affaire dont Dominique devine déjà la fin inévitable, une histoire d’amour avec un goût doux-amer, où la souffrance et le plaisir se mêleront. Cette liaison, anodine pour Luc, représente presque une quête d’identité pour Dominique. Elle qui s’effaçait dans une relation confortable et peu stimulante avec Bertrand, s’affirme petit à petit, non pas à travers Luc, mais plutôt de part l’excitation et les incertitudes qu’amènent cette relation secrète. 

Bien que l’on ne retrouve pas les repères féministes traditionnels dans ce roman, une lecture de genre peut tout de même en être faite. L’autrice Françoise Sagan dresse le portrait d’une jeune femme émancipée, qui n’est pourtant pas l’incarnation stéréotypée de la « strong, independent woman ». Dominique doute d’elle-même, de ses sentiments, et n’avance pas dans la vie en ayant une confiance indéniable dans toutes les actions qu’elle entreprend. Loin de clichés usuels, il est rafraîchissant de suivre un personnage dont le parcours n’est pas un manifeste. 

Dominique est mélancolique, rêveuse, mais aussi bonne vivante. Elle lit, sort, boit, danse, fait l’amour, observe les nuages. Elle se demande ce que lisent les gens, s’ils sont amoureux. Elle apprécie la compagnie des autres, mais savoure tout autant sa solitude. Elle déambule au fil de ses envies, en se laissant parfois porter par les événements. Au final, elle vit sa vie – « une vie désœuvrée et nonchalante » – comme elle le souhaite, et n’est-ce pas la meilleure leçon de vie ?

Dominique nous montre que certaines expériences valent la peine d’être vécues, même quand on sait que leur issue sera douloureuse. Au demeurant, tout vaut mieux que l’ennui. Car l’ennui, qui est souvent caractérisé comme étant le manque de quelque chose, devient ici un personnage à part entière et s’élève au rang de catalyseur de relations et de questionnements. « Car enfin moi, si je m’ennuyais, du moins m’ennuyais-je passionnément », dit Dominique, fièrement.

Dans ce deuxième roman écrit en deux mois et publié en 1956, Françoise Sagan pose les mots sur les sentiments volatiles, ceux qui nous échappent dès qu’ils effleurent notre esprit. L’autrice se penche sur les nuances et subtilités d’une histoire d’amour naissante – les regards, les regrets, la tendresse. Et nous, lecteurs, nous nous égarons dans cette prose pourtant légère, comme on s’égarerait dans le souvenir lointain d’une histoire d’amour oubliée. 

Françoise Sagan, « charmant petit monstre » comme elle a pu être qualifiée par la presse, est une des figures charismatiques et marquantes de la littérature française. Elle a défrayé les chroniques avec le succès de ses œuvres et ses engagements politiques, mais aussi par son amour du monde de la nuit et de la vitesse.