Une exploration poétique autobiographique : Mon corps de ferme d’Aurélie Olivier

Quand vient une grande scène du déballage-héritage

dans les offices notariaux, Maître Notable-Local

informe du juste prix :

Si vous avez mis en valeur l’exploitation familiale sans

recevoir de rémunération, vous avez droit à un salaire

différé sous certaines conditions

Quel est le prix à payer si, au contraire, on déballe

les entrailles de l’affaire, quitte à ce que ça sente

la vache ? Si on n’arrive pas à se défaire de l’amour

et que notre espoir de désespérée

nous oblige à esquinter le corps de ferme ?

On connaissait Aurélie Olivier programmatrice du festival Extra ! du Centre Pompidou et du festival Littérature, etc. qui investit chaque année Lille et sa métropole, défricheuse de littérature exigeante mais pas chiante, arpenteuse infatigable de tous les chemins qui font textes, dévoreuse et passeuse d’autrices d’hier comme d’aujourd’hui. La voilà qui enfile une casquette de poétesse, parce que pourquoi dormir, après tout, quand on a les livres, quand on peut écrire.

Enfant des années 80, Aurélie Olivier raconte ce que c’est de grandir dans une ferme, entre production laitière, abattage des animaux et algues vertes, déjà, sur les plages bretonnes. Alors que l’après confinement a encouragé les parisien·es blasé·es à fantasmer un nouveau départ les deux pieds dans la terre, entre retour à des racines plus ou moins inventées et enthousiasme pour les émissions de dating champêtres, l’autrice prend le contre-pied naïf des citadin·es en mal de verdure et vient nous secouer les puces pour nous montrer à quoi ça ressemble, la vie sur une exploitation agricole, quand on est dedans pour de vrai.

Dans « Mon corps de ferme », exploration poétique autobiographique écrite à 36 ans, Aurélie Olivier s’interroge sur la place qu’occupe son corps dans le monde. Comme Annie Ernaux, Didier Eribon ou d’autres avant elle, l’autrice change de classe sociale, passant du milieu de l’agriculture au milieu littéraire. On pourrait argumenter que 36 ans c’est un drôle de choix pour un bilan, pourquoi ne pas avoir attendu un compte rond, que va-t-il rester à dire pour la crise de la quarantaine ? Sauf que 36 ans, c’est ce point de bascule dans la vie de la poétesse, celui où elle se rend compte qu’elle a vécu exactement le même nombre d’années dans chacun des deux univers qui la traversent. Et c’est sur ce fil, où l’on se sent à la fois trop et pas assez de chaque côté, pas toujours perdante mais jamais vraiment gagnante non plus, qu’Aurélie Olivier décide de se raccomoder.