Le prix à payer, de Lucile Quillet : MeToo Argent

 L’argent dans un couple, c’est encore plus intime que le sexe. Et comme l’intime est politique, c’est dire l’importance de parler d’argent, entre nous, entre femmes.

 © Jean-Philippe BALTEL

Le prix à payer n’est pas forcément un livre confortable à lire, parce qu’il nous renvoie à toutes les choses dont on ne veut pas parler. On ne souhaite pas parler d’argent dans le couple, parce qu’on a peur d’avoir l’air intéressée, radine, profiteuse et parce qu’on ne nous a pas appris à parler d’argent en tant que fille ou femme. « Compter, c’est laid. Compter veut dire que l’on ne fait pas confiance à l’autre, qu’on ne l’aime pas vraiment » (p.24). Mais c’est comme au moment de MeToo : le constat que des milliers de femmes avaient vécu ce qu’on avait vécu dans le silence nous a permis de reprendre (un temps) le pouvoir. Si on parlait plus d’argent dans le couple et dans nos relations avec les institutions, on réaliserait plus facilement qu’on se fait avoir et surtout qu’on a les moyens de se défendre (même si l’État nous met de sacrés bâtons dans les roues).

Cet essai remet les pendules à l’heure et les biftons dans les bonnes poches. C’est un vrai décryptage de tout cet argent et ce temps qu’on ne voit pas et qui parfois n’existe même pas. Ce livre prend lisible et palpable cet argent qu’on aurait pu avoir et ce qu’on aurait pu en faire. Il éclaire les angles morts de la réflexion. Par exemple, Lucile Quillet montre comment, quand un couple décide en fonction de la carrière de l’homme, on peut facilement voir ce que la femme a sacrifié. Mais en même temps, on se dit qu’elle a pu jouir de l’argent et du statut du mari. Ce qu’on ne voit pas, ce qu’on ne calcule pas, ce sont les conséquences sur la carrière du mari. Sans son épouse en réalité il n’aurait pas eu cette carrière. Sans elle, il aurait dû jongler entre les courses, les enfants, le ménage et n’aurait pas pu grimper les échelons dans son entreprise. Sans elle il n’aurait pas eu toutes ces opportunités. Et pour cela, la femme n’est jamais remerciée. A part Eva Mendes quand son mari a reçu un Oscar (Ryan Gosling) !

L’essai est découpé en trois parties : avant le couple, pendant le couple et après ce dernier. Et pour chaque étape, Lucile Quillet décortique les mécanismes qui font que les femmes dépensent plus et récupèrent moins. Sans accuser personne à part le patriarcat, elle déroule le fil de nos obligations pour se trouver un homme qui pourra subvenir à nos besoins. La société, les hommes (oui, tous), l’État nous poussent à la dépense et à sacrifier nos revenus pour notre conjoint, nos enfants, la FAMILLE.

L’État est patriarcal : il nous remet à notre place auprès d’un homme. Il nous met dans une grande vulnérabilité. Par exemple, l’allocation adulte handicapé (AAH) est indexée sur les revenus du conjoint. Pour faire simple, si votre conjoint gagne trop, vous ne recevez plus cette allocation. Comment penser que cela ne met pas les femmes handicapées dans une dépendance absolue ? Comment partir si l’homme est violent ? En sachant que les femmes handicapées ont plus de risques d’être victimes de violences et de violences sexuelles, on voit bien que l’État patriarcal renvoie les femmes au foyer, auprès de leur homme, violent ou pas. Et même sans être violent, si on n’est plus heureuse dans ce couple ? Cet exemple et celui de la retraite de réversion montrent que l’État nous veut dociles, en couple avec un homme.

Lors d’une séparation, une femme voit son niveau de vie chuter de près de 20% alors que ce n’est que 3% pour un homme (et il retrouve son niveau antérieur trois ans après et voit sa carrière progresser après ça). Mais, le calcul de la pension alimentaire n’est pas calculé sur les besoins de l’enfant, il est calculé sur les revenus du père : on ne veut pas priver le père de son argent. Mais quid de celui des mères ? Vous croyez que les mères vont arrêter d’acheter à manger pour leurs enfants ? Et le montant de cette pension, c’est encore l’État qui la fixe et qui donc considère que les mères ont à tout sacrifier pour leurs enfants quand les pères vont pouvoir reprendre leur vie et constituer leur capital. Les femmes doivent se sacrifier pour leurs enfants, c’est tout. Si elles arrêtent, le système s’écroule en fait.

Chiche ?