Soirée Missives #12 : Panassenko ou l’identité écorchée

Excusez du peu, vendredi 13 janvier 2023 à 19h30 on reçoit chez Libertalia Polina Panassenko, lauréate du Prix Femina des lycéens 2022 pour son premier roman Tenir sa langue.

copyright Andréa Fontaine

De la Russie à la France, il n’y aurait qu’un pas à faire dans les années 90 balbutiantes pour démarrer une nouvelle vie en laissant derrière soi le bloc soviétique qui s’ouvre en 1991. Pourtant, avec les kilomètres parcourus de Moscou à Saint-Etienne qui engloutissent la terre de l’enfance, les souvenirs de l’appartement familial, et la vie partagée avec les grands-parents, la petite Polina Panassenko voit son prénom écorché : Polina devient Pauline en passant une frontière, une manière de faciliter son arrivée sur le sol français pour ses parents. Un troc de quelques lettres, un échange anodin en apparence. Mais rien n’est simple quand il s’agit d’identité et l’histoire de Polina cherche la petite bête de ce jeu de dupe.

Reconquérir le nom russe dépasse largement la valeur symbolique de l’identité des origines, cette démarche juridique jusqu’au tribunal de Bobigny laisse revenir les silhouettes du passé : les ancêtres qui ont fui l’Ukraine, les grands-parents qui se sont acclimatés à la vie russe, les parents qui rêvent d’une vie meilleure. Avec un humour décapant, Polina Panassenko raconte à hauteur d’enfant les premières fois indéchiffrables d’un pays d’accueil où tout semble conduit par des règles obscures et absconses. Le désarroi de l’enfant nous fait hésiter entre rire et compassion pour ce petit être livré à la forêt de signes qu’il faut domestiquer et conquérir. Tenir sa langue c’est l’histoire d’une conquête d’une langue étrangère et de la reconquête de soi.