Il fallait que je vous le dise, d’Aude Mermillliod : un récit poignant d’avortement

Dans cet album, Aude Mermilliod nous parle de l’avortement, des questionnements qui restent parfois sans réponse, des émotions et réactions physiologiques, des douleurs physiques et/ou psychologiques.

« Pour les avortées, mais aussi pour les mères, les non-mères, celles qui auraient voulu, celles qui n’ont pas pu, celles qui laissent tomber, celles qui ne veulent pas, celles qui regrettent, celles qui ne sont pas les mères qu’elles rêvaient d’être… »

Cette bande dessinée en deux actes raconte les différentes phases qui ont accompagné Aude Mermilliod dans le processus d’avortement par choix, et comment elle a fait son deuil. Elle partage également avec nous l’expérience du médecin Martin Winckler sur son accompagnement auprès des femmes confrontées à l’avortement et en fait une œuvre à deux voix pour parler de l’IVG et des tabous qui l’entourent.

Aude Mermilliod témoigne. Elle nous parle des étapes de son avortement, des douleurs qui l’ont accompagné, de la maladresse voire la maltraitance des professionnel·le·s médicaux à son encontre.1 Elle revient sur les moments de solitude qu’elle a ressentis et de l’incompréhension de son état de la part de son entourage.

Puis de sa rencontre avec Martin Winckler qui fait suite à la lecture de son livre Le Chœur des femmes (dont on peut lire une critique sur Missives), roman qui raconte l’histoire d’une interne qui se voit affectée dans une unité de médecine des femmes où elle n’a pas envie d’être. Elle pense avoir déjà les connaissances nécessaires pour être gynécologue et perçoit cette affectation comme une perte de temps.

Aude Mermilliod divise la vie de Martin Winckler en trois grands épisodes : sa formation en médecine, ses années en centre IVG et ses années en tant qu’auteur et formateur. Il explique que chaque femme réagit différemment à l’avortement, que cela soit un choix ou non, et de l’importance de l’accompagnement bienveillant, du choix des mots de la part du praticien. Le médecin parle de lui en tant que jeune professionnel dans les années 1970, où les avortements illégaux étaient monnaie courante, de ses propres a priori, qu’il a dû casser pour accompagner au mieux les femmes souhaitant avorter. À travers le dessin d’Aude, il nous raconte son militantisme et celui de ses collègues pour tenter d’accompagner au mieux les femmes.

Aude Mermilliod est une illustratrice, graphiste, rédactrice et autrice de bande-dessinée et du blog « La fille voyage »2 . Elle est notamment connue pour sa BD Les Reflets changeants, prix Raymond Leblanc de la jeune création. Elle a également travaillé en lien avec des maisons d’édition indépendantes québécoises.

Martin Winckler, pseudonyme de Marc Zaffran, est un ancien médecin. Son livre Le Chœur des femmes l’a fait connaître en tant que romancier et essayiste. Il est également connu pour son militantisme féministe. Il intervient aussi dans des émissions télévisées où il évoque souvent la situation difficile du système médical français.

Dans Il fallait que je vous le dise, Aude Mermilliod utilise les dessins pour illustrer des moments où mettre des mots a été difficile. On entre alors dans son intimité et celles des autres femmes, par leurs récits mais aussi leurs regards, leurs positions physiques. Les représentations des corps dans le récit de Mermilliod ne nécessitent parfois aucun mot.

Le style – volontairement épuré, les cases avec absence de contours, les illustrations qui prennent l’ensemble d’une page, comme des tableaux, le choix des couleurs pastels tout au long du récit – permet de faire respirer le lecteur face à un sujet lourd. Les seuls moments aux couleurs plus sombres, où la teinte se rapproche d’une couleur rouge sont les scènes de l’avortement.

La collaboration artistique entre Aude Mermilliod et Martin Winckler n’est pas fini car une adaptation BD de son ouvrage Le Chœur des femmes est en cours.

Il fallait que je vous dise est une bande-dessinée nécessaire dans un contexte mondial où la bataille pour l’obtention et la préservation du droit à l’IVG fait encore et toujours rage, et qui donne furieusement envie de continuer à se battre.

1. Cela fait tristement écho aux violences obstétricales que des gynécologues imposent à leurs patientes. https://www.pourunemeuf.org/2019/03/08/les-violences-gynecologiques/

2. lafillevoyage.com

3. Rappelons que le deuxième site le plus important concernant la question de l’avortement, l’IVG.net, est tenu par des anti-IVG.