Beyoncé est-elle féministe ?

Ce livre publié par l’association Osez le féminisme est un petit guide pratique à l’usage des jeunes (et moins jeunes) pour comprendre ce qu’est le féminisme aujourd’hui mais aussi faire un petit rappel de son histoire.

Ce petit manuel, avec textes punchy et illustrations agréables, enseigne les bases et rappelle dans les grandes lignes l’histoire du mouvement féministe.

On s’adresse à un·e lecteur·rice – en le·la tutoyant – faisant partie d’une jeune génération en quête de socles de réflexions pour un engagement plus conscient et éclairé. Ce petit ouvrage – à l’allure pédagogique et au contenu facile d’accès – propose aussi des petites bio de figures emblématiques, des données chiffrées et éclairantes et des illustrations plaisantes de la talentueuse Diglee.

Beyoncé est-elle vraiment féministe ?

Cette question qui a pu faire l’objet de nombreux débats entre amis, dans des revues universitaires ou dans la sphère publique, par exemple lorsque l’actrice et chanteuse Lou Doillon avait déclaré : « Quand je vois Beyoncé chanter nue sous la douche, suppliant son mari, ivre, de la tirer, je me dis : ‘On assiste à une catastrophe’. Et par dessus tout, on me dit que je n’ai rien compris, que c’est une vraie féministe parce que dans ses concerts il y a un énorme écran qui le dit. C’est dangereux de croire que c’est cool. »

Détournement d’une affiche de propagande américaine datant de 1943, devenue ensuite Rosie la riveteuse, puis réutilisée dans les années 1980 par des mouvements féministes.

Dans le livre, les autrices ne préfèrent pas émettre de jugement puisqu’il y a presque autant de manières d’être féministe que de personnes. Beyoncé affirme son engagement, le clame haut et fort et cela se respecte. En tant que femme influente, elle donne de la visibilité et de la crédibilité au mouvement. Un extrait du livre de Chimamanda Ngozi Adichie, Pourquoi nous devrions tous être féministes, a même été cité par Queen B dans la chanson Flawless mais l’autrice nigériane n’est pas sur la même longueur d’onde que la pop star américaine :

« Le féminisme de Beyoncé donne une trop large place à la nécessité d’avoir un homme à ses côtés. Je pense que les hommes sont charmants, mais les femmes ne doivent pas tout rapporter à eux en se demandant sans cesse : ‘Est-ce qu’il m’a fait mal ? Dois-je lui pardonner ?' »

Au delà de certaines paroles de ses chansons qui peuvent être en contradiction avec l’indépendance et la liberté voulues par les femmes, Beyoncé s’engage pour la cause féministe et revendique avec force l’identité afro-américaine. Elle a aussi ouvert la voie à une nouvelle génération de chanteuses qui s’affirment féministes.

Un peu d’histoire : plusieurs vagues

Il y a eu différentes vagues dans le féminisme. Il est bon d’être au clair sur ces courants successifs souvent impulsés par des injustices criantes ou des personnalités fortes. Pour simplifier les choses, on peut parler de trois « vagues », avec des combats qui apparaissent et d’autres qui persistent car les problèmes ne se règlent pas.

Lors de la première vague, les féministes réclamaient surtout le droit de vote pour les femmes. Ce droit a été obtenu en 1944. La deuxième vague a lieu dans les années 1960. Le MLF, le mouvement de libération des femmes, veut la libération de la sexualité et le droit pour toutes à disposer de son corps.

Les féministes de la troisième vague, récente et actuelle, combattent les inégalités salariales. En moyenne, les femmes françaises ont des salaires inférieurs de 24 % à ceux des hommes. Il est aussi beaucoup question de la prise en compte du plaisir féminin, avec par exemple la création du compte Instagram « T’a joui ? »

La lutte contre les violences sexuelles a malheureusement toujours beaucoup de pertinence, même en cette ère post-Weinstein. Une femme est violée ou victime d’une tentative de viol toutes les 7 minutes en France. Une femme meurt sous les coups de son mari presque quotidiennement. Le harcèlement de rue est également plus que jamais d’actualité. Mais la défense s’organise et les initiatives se multiplient (cours d’autodéfense, etc.)

Le féminisme d’aujourd’hui se veut intersectionnel, ce qui lui a beaucoup manqué dans les époques précédentes. La diversité doit être prise en compte. Certaines femmes subissent le sexisme plus que d’autres, lesbiennes, précaires, d’origine étrangère, noires, handicapées…

Il est aussi important de lutter contre le marketing sexiste, de combattre l’illusion d’égalité. Dans certains domaines d’activité, l’absence de femmes à des postes clés montre encore bel et bien la persistance d’un plafond de verre, difficile à briser.

Qu’on parle du féminisme et de la diversité de ses courants par vagues, par ondes ou par étapes, il est bien de se rappeler de son histoire, de ses figures emblématiques et de ses évolutions, du chemin parcouru et des batailles qu’il reste à gagner. Il y a 1 000 façons d’être féministes et les débats constructifs font avancer les choses. « En matières de droits des femmes, quand on avance pas, on recule. » Yvettes Roudy, ministre des droits de la femme en France en 1981.