L’Ardeur, la collection qui donne chaud (2) : Les Premiers Plans de Rémi Giordano

Créée en 2019, la collection L’Ardeur a l’ambition de proposer aux adolescent.es de plus de 15 ans une alternative à la culture du porno en guise d’exploration des sexualités. Les personnages sont des ados ou de jeunes adultes qui vivent, souffrent, jouissent, hésitent, questionnent leur désir sous toutes ses formes.

Missives vous emmène en terres érotiques adolescentes. Histoire de voir du pays pubère.

Les Premiers Plans, de Rémi Giordano

Rémi Giordano © DR

On a vaguement conscience qu’ils existent, ces hommes qui savent écrire en égratignant le moule hétéro-patriarcal qui les a vus grandir, si bien que lorsqu’on en croise, ça paraît logique de les encourager en les mettant en avant sur un site qui relaie à 99,9% des autrices… Après Hubert et Martin Winckler, bienvenue à Rémi Giordano sur le site Missives !

Marylou et Alexis alias Aliocha, lycéens classiquement désœuvrés pendant les grandes vacances, voient leur rêve de grand écran se réaliser dans leur petite ville lorraine, lorsque le tournage du film « la Chambre de Giovanni », adaptation du roman de James Baldwin, s’annonce à deux pas de chez eux. Leur idéal, c’est un cinéma engagé, potentiellement politique, plaçant le plaisir au centre de la narration et qui passe avec succès le test de Bechdel. Ce film, c’est l’histoire d’un jeune homme dont la fiancée s’éloigne pour mieux se préparer à vivre leur prochain mariage, alors que le garçon, resté à Paris, va se découvrir une identité sexuelle différente aux côtés de Giovanni.

« Depuis qu’elle a lu les bandes dessinées de Liv Strömquist, Marylou prétend avoir déconstruit l’amour et le couple. Pour elle, être en couple, c’est bourgeois. C’est reproduire la norme hétérosexuelle. Elle ajoute que j’ai la chance d’être homo, et de fait d’échapper à ça. »

L’innocence qu’on ne prête qu’à la jeunesse et l’audace de Marylou et Aliocha vont leur permettre de côtoyer pendant quelques semaines l’équipe du film, et surtout le sensuel Matteo, qui va éveiller Aliocha à la prise de conscience de son homosexualité, dans un premier amour très candide et paradoxalement joliment érotique.

A travers une écriture très calme et précise, parfois drôle, Rémi Giordano donne la parole à son personnage Aliocha. Il aborde ainsi avec justesse et simplicité les différents questionnements de l’entrée dans l’âge adulte entre l’image d’Épinal du schéma parental et la crudité des réseaux de rencontres virtuelles. Où placer l’amitié lorsque les sens explosent sous l’épiderme, être amoureux est-il un aveu de faiblesse, comment évacuer l’essentiel regard des autres incontournable à 17 ans ?

« Faire son coming out, ça fait peur. Je ne sais pas si c’est normal. Je ne crois pas qu’on devrait avoir peur d’avouer quelque chose dont on n’est pas vraiment responsable. Je n’ai pas choisi d’être homosexuel. En un sens, devoir l’avouer me donne l’impression de devoir m’en excuser. Et je n’ai pas à m’en excuser. »

Rémi Giordano aborde avec sensibilité et profondeur le polymorphisme de l’amour adolescent avec une fraîcheur toute bienveillante. Un roman qui s’inscrit comme une initiation estivale au désir et qui questionne les cases de l’échiquier amoureux de notre société.

Une rencontre littéraire exceptionnelle sur la littérature adolescente érotique

Jeudi 30 novembre à 19h30 chez libertalia, Missives reçoit Charline Vanderpoorte (L’ardeur) et Hélène Vignal (autrice) : elle unit ses forces à celles qui contrent l’obscurantisme d’un monde qui veut réduire au silence ce qui sauve, ce qui émancipe, ce qui bat fort au fond de nos ventres. Manu Causse, l’un des auteurs de la collection « L’ardeur », s’est vu cet été interdire aux mineurs son livre Bien trop petit, publié un an auparavant en 2022 au prétexte que des scènes explicites pourraient heurter la sensibilité d’un jeune lectorat et pervertir la jeunesse selon l’arrêté du 16 juillet 1949 et présenter « un danger pour les mineurs qui pourraient l’acquérir ou le consulter ». Face à Gérald Darmanin, Thierry Magnier l’éditeur de la collection réaffirme le rôle capital des livres dans la construction de l’identité, sexuelle a fortiori à l’adolescence : « À l’heure où la consommation d’images pornographiques violentes et sexistes explose chez les plus jeunes, à l’heure où l’éducation à la sexualité peine à exister, il nous semblait au contraire essentiel d’oser proposer à nos lecteurs et lectrices, grands ados et jeunes adultes, des œuvres littéraires traitant avec soin et conviction de ces enjeux cruciaux. » (cité sur le site Actualitté).