Le Prince et la Couturière : un conte de fées qui casse les codes traditionnels

« Pourquoi portez-vous des vêtements de fille ?
– Je ne sais pas. Certains jours je me regarde dans le miroir et je pense : ‘C’est moi, le prince Sébastien ! Je porte des vêtements de garçon et je ressemble à mon père.’
Et puis, certains jours, ce n’est pas du tout ce que je ressens… Ces jours-là, je me sens plutôt comme… une princesse. »

Je me sens de bonne humeur et pleine d’espoir après avoir lu cette bande dessinée. J’aurais aimé lire ce genre d’histoires étant plus jeune, car elle se veut remplie de tolérance, loin des clichés que l’on peut observer dans certaines littératures jeunesse. Et ça fait drôlement du bien ! 

Je me suis replongée dans mes souvenirs d’enfance où ma grand-mère, couturière, me confectionnait des robes. Comme celles de lady Crystallia, elles étaient belles et pleines de couleurs ! Observer ma grand-mère les confectionner me fascinait. Les planches de Jen Wang qui représentent Francès, la couturière, en train de travailler, m’ont fait le même effet. Quand mon meilleur ami venait chez moi, il me les empruntait. Elles lui allaient bien mais jamais il ne les aurait portées à la vue de tous. Car un garçon qui aime porter des robes, ça pose encore question de nos jours.

C’est de cela dont nous parle Wang dans ce conte moderne, de l’histoire d’un prince qui aime s’habiller comme une princesse, qui apprécie la mode par dessus tout. Pour vivre comme tel, il doit se créer une double vie où, la nuit, il devient Lady Crystallia et va dans des bals et des défilés de mode. Pour combler ses attentes en termes de garde-robe, il demande à son valet d’embaucher une jeune couturière qui s’est fait remarquer pour une de ses créations audacieuses. Frances entre alors dans le paysage et va tenir un rôle central dans ce conte pour enfants. C’est une fille ambitieuse qui souhaite se faire connaître en tant que couturière auprès des grands noms de la mode.

Entre l’amitié qu’elle porte au prince/lady Crystallia, dont elle doit cacher le secret, et l’envie d’être reconnue à sa juste valeur, on la voit évoluer pour sortir de sa condition sociale et s’émanciper. Malgré leurs différences, Frances et le prince se ressemblent et vont se soutenir dans leur quête d’identité respective.

Cette très belle bande dessinée est un conte pour enfants qui semble a priori suivre les codes classiques : au début, on observe les hommes mis en avant et les femmes évoluant dans l’ombre. Mais Wang décide de tordre ces codes au fur et à mesure de l’histoire. Elle traite avec délicatesse la question du genre et de l’identité.

Inspirée par l’autrice et illustratrice Jillian Tamaki₁, Wang écrit et dessine avec beaucoup de vérité les questionnements des jeunes, leurs doutes, les manières de parvenir à l’estime de soi. Avec beaucoup d’humour et de beauté, Wang traite d’un sujet essentiel. Pour ce faire, elle s’appuie sur un personnage central, un roi hautement imprégné de stéréotypes de genre. On observe ce personnage, qui, poussé dans ses retranchements, va être amené à les déconstruire au contact de son fils et de son entourage.

Wang est une autrice de bande dessinée américaine. Elle est la cofondatrice et organisatrice du festival Comics Arts de Los Angeles. Pour Le Prince et la Couturière, elle a obtenu le Fauve jeunesse d’Angoulême et le prix Eisner de la meilleure scénariste/dessinatrice et meilleur album jeunesse.

Une BD fortement conseillée pour les jeunes à partir de 8 ans, mais qui peut aussi se lire à tout âge ! Une BD d’émancipation pétillante et tout bonnement magnifique. Laissez-vous porter à admirer les belles planches de Wang. Si sa technique de travail vous intéresse, vous serez ravi·e·s de découvrir un cahier graphique, présent en annexe, nous montrant la naissance et l’évolution de son travail sur Le Prince et la Couturière.

À découvrir également, pendant cette période de confinement, ses œuvres Koko be good en 2010, et La tête dans les étoiles en 2019.