Les livres de mars-avril : l’agenda des parutions

Chaque mois, nous vous proposons un agenda des parutions féministes. Romans, essais, bandes dessinées… vous avez le choix ! Ces ouvrages sont disponibles en librairie et parfois empruntables à la Féministhèque. Les livres proposés n’ont pas forcément été lus par Les Missives (par manque de temps), il s’agit des annonces de publications, par les éditeurs. Nous attendons vos avis.

Essais

Le Capitalisme patriarcal, de Silvia Federici

« Comment faire tourner les usines sans les travailleurs vigoureux, nourris, blanchis, qui occupent la chaîne de montage ? Loin de se limiter au travail invisible des femmes au sein du foyer, Federici met en avant la centralité du travail consistant à reproduire la société : combien coûterait de salarier toutes les activités procréatives, affectives, éducatives, de soin et d’hygiène aujourd’hui réalisées gratuitement par les femmes ? Que resterait-il des profits des entreprises si elles devaient contribuer au renouvellement quotidien de leur masse salariale ?

La lutte contre le sexisme n’exige pas tant l’égalité de salaire entre hommes et femmes, ni même la fin de préjugés ou d’une discrimination, mais la réappropriation collective des moyens de la reproduction sociale, des lieux de vie aux lieux de consommation – ce qui dessine l’horizon d’un communisme de type nouveau. »

Livre publié chez La Fabrique éditions. En librairie depuis le 19 avril 2019 au prix de 15 euros.

On ne naît pas femme, on le devient, de Fabienne Brugère

« Simone de Beauvoir disait : ‘On ne naît pas femme : on le devient.’ Puisant dans sa propre expérience et avec un regard sur le monde, Fabienne Brugère décline cette phrase à travers les différents âges de la vie, de la naissance, la jeunesse, l’âge adulte à la vieillesse, en montrant comment la femme est à la fois piégée et cependant en mesure de se libérer. Cette défense d’un féminisme ordinaire cherche non pas à victimiser les femmes mais à expliquer qu’elles peuvent changer leur quotidien et le cours de leur vie. »

Livre publié chez Stock, collection « Puissance des femmes ». En librairie depuis le 10 avril 2019 au prix de 17 euros 50.

L’égalité sans condition, osons nous imaginer et être semblables, de Réjane Sénac

« Comment comprendre la persistance des inégalités en France alors que l’égalité est proclamée centrale au pays des droits de l’H(h)omme ? C’est à cette question que Réjane Sénac répond dans cet essai dérangeant, bousculant et original. Elle remet en cause la conception française de l’égalité, comme un mythe à déconstruire pour tendre vers une égalité sans condition : en deça du sexe, de l’origine sociale et ethno-raciale, de la religion et de l’orientation sexuelle. Autrement dit, nous ne serons égaux que si nous nous reconnaissons comme semblables et non comme complémentaires au regard d’identifications figées et figeantes. À travers une relecture critique de la devise républicaine, elle montre que l’égalité n’existera qu’en se libérant du récit de la performance de la mixité, incarné par des slogans tels que ‘la diversité, c’est bon pour le business’ ou ‘la mixité est une valeur ajoutée’, en particulier entre les femmes et les hommes. Si on ne veut pas vivre dans une société où même l’égalité devient une histoire de rentabilité et de success-story, il est urgent de se réveiller de ce ‘compte’ de fée.

Des analyses de Thomas Piketty et de Raphaël Enthoven, en passant par le succès d’un rappeur comme Orelsan, Réjane Sénac montre comment on peut se dire pour l’égalité tout en participant à la reproduction des inégalités. Elle revient sur les combats actuels du féminisme français, de l’écriture inclusive aux polémiques suscitées par le mouvement #MeToo et les réunions non-mixtes féministes et anti-racistes. »

Livre paru aux éditions de L’Échiquier. En vente en librairie au prix de 10 euros.

Au-delà de la pénétration, de Martin Page

“Pourquoi écrire un livre sur la pénétration ?
Parce que le sujet est là, si présent qu’il en est invisible. Surtout je voulais faire en sorte que l’on entende des choses trop souvent tues, qu’on parle, qu’on pense, qu’on considère la sexualité comme un élément de l’invention humaine, de sa culture, de ses arts, de sa politique. Je voulais qu’on entende les difficultés, les douleurs, la peur d’être anormal·e, et qu’on dise qu’on se fout de la normalité si elle signifie le mépris et le jugement pour ce qui est différent. Martin Page.”

En vente sur le site de l’éditeur. Victime de son succès, le livre est actuellement en cours de réimpression. 12 euros

Romans/autobiographies

Ma Vie sur la route, de Gloria Steinem

« Gloria Steinem, aujourd’hui âgée de 83 ans, est une icône féministe américaine, inscrite au Women’s National Hall of Fame. Journaliste, écrivain, elle a fondé le magazine féministe Ms. et, avec Jane Fonda et Robin Morgan, le Women’s Media Center, une organisation qui se bat pour rendre les femmes plus présentes et plus visibles dans les médias. Elle a également participé aux campagnes présidentielles de Hillary Clinton et de Barack Obama.

Ma vie sur la route est le récit extraordinaire, profondément humaniste, d’une femme qui a passé sa vie à sillonner les États-Unis et à militer. Cette autobiographie en forme de road trip se lit comme la passionnante chronique de cinq décennies d’histoire américaine, depuis le discours de Martin Luther King jusqu’à l’évolution des droits de la communauté gay en passant par l’avortement ou la cause amérindienne.

Une ode au nomadisme, à l’intranquillité qui nous pousse à partir à l’aventure et, avant tout, à la rencontre des autres. »

Livre paru aux éditions Harper Collins. En vente en librairie au prix de 19 euros. Livre à emprunter à la Féministhèque. À lire également : Actions scandaleuses et rébellions quotidiennes, de Gloria Steinem, paru aux éditions du Portrait.

À jeter, sans ouvrir, de Viviane Albertine

« Pour quoi est-ce que je me battais au juste ? Je n’en suis toujours pas certaine aujourd’hui. C’est si profond, si ancien, que ça n’a pas de mots, pas de forme, pas de logique.

Nous sommes en 2012, Viv Albertine prépare le lancement de De fringues, de musique et de mecs. Assagie – les années punk sont loin derrière –, elle se consacre désormais à sa fille, à sa mère malade, à l’écriture et, presque à regret, à des mecs qui en valent rarement la peine. Pourtant elle n’a rien perdu de sa rage, ni de sa soif de vérité : Viv est une femme en colère, prête à en découdre, y compris avec elle-même. Lorsque de douloureuses circonstances la replongent dans les blessures de l’enfance et la complexe dynamique familiale, elle n’hésite pas : elle prend à bras-le-corps les chagrins et les secrets enfouis, les triture, les confronte.

C’est cette plongée à vif et par à-coups dans la mémoire qui tisse la trame d’À jeter sans ouvrir. »

Livre paru aux éditions Buchet·Chastel. En vente en librairie au prix de 22 euros.

Flâneuse, reconquérir la ville pas à pas, de Lauren Elkin

« Si le mot ‘flâneur’ évoque immédiatement Baudelaire, les Grands Boulevards et la vie de bohème, qu’en est-il de la flâneuse ? Dans ce livre jubilatoire, ode piquante à la déambulation au féminin, Lauren Elkin la présente comme une femme ‘déterminée et pleine de ressources, profondément en phase avec le potentiel créatif de la ville et le pouvoir émancipateur d’une bonne balade’. Mais elle nous montre aussi que revendiquer d’occuper ainsi l’espace urbain reste pour les femmes un acte subversif.
De New York à Paris, de Tokyo à Londres et Venise, Lauren Elkin croise en chemin les flâneuses qui y vécurent – de la réalisatrice Agnès Varda à la correspondante de guerre Martha Gellhorn, en passant par les romancières George Sand et Virginia Woolf. L’auteure s’attache à mettre au jour ce qui se joue chaque fois qu’une femme au pied léger sort à la rencontre de la ville, comment chacun de ses pas contribuera à transformer son existence. »

Livre paru fin mars dans la collection Étonnants voyageurs, Hoëbeke. En vente en librairie au prix de 23 euros.

La Mère de toutes les questions, de Rebecca Solnit

« Qui a été historiquement réduit au silence, et pourquoi ? Comment les femmes et les minorités sont-elles parvenues à récupérer, ou non, leur parole ? En quoi un changement politique est-il avant tout un changement de récit ?

Pour répondre à ces questions, Rebecca Solnit balaye un grand nombre de sujets, de l’histoire des droits civiques et de l’esclavage à la culture du viol dans les campus américains, en passant par la masculinité toxique.

On retrouve ici la vivacité d’esprit de l’auteure, son opiniâtreté à déjouer tout ce qui, dans la culture, dans les institutions, dans la sphère publique, entend amoindrir la parole des femmes, et réduire leur place. Rebecca Solnit met au jour les normes sous-jacentes contenues dans nos discours.

Née en 1961, Rebecca Solnit est l’une des intellectuelles américaines contemporaines les plus influentes et originales, capable d’aborder aussi bien les thématiques de l’environnement, de la critique, de l’histoire de la modernité et du féminisme. Son article ‘Ces hommes qui m’expliquent la vie » a théorisé et popularisé la notion capitale de mansplaning (« mecsplications’). S’en est suivi un recueil d’essais au titre éponyme, que les Éditions de l’Olivier publient en 2018 comme premier ouvrage d’une nouvelle collection de non-fiction, Les Feux. »

Livre paru le 18 avril aux éditions de L’Olivier. En vente en librairie au prix de 18 euros 50.

Elena et les joueuses, de Lolita Pille

« Il fait si chaud à Paris l’après-midi du 29 août 2014. Eléna Filleul, ancienne joueuse de tennis, va chercher son fiancé Ismaël Chèvreloup à la gare de Lyon. Plus tôt, Eléna a vu ses amies de lycée. Elles se sont remémoré leur adolescence, le rôle joué par la famille Chèvreloup, et tout particulièrement celui de Catherine, figure emblématique pour ce groupe. Au cours de cette journée qui aurait pu ressembler à toutes les autres, Eléna se confronte aux fantômes et aux dieux de sa jeunesse.

Ce roman ambitieux allie modernité et classicisme pour nous conter une histoire intemporelle dans le Paris du XXe siècle. »

Livre paru chez Stock. En vente en librairie au prix de 19 euros. Lolita Pille était l’invité de Lauren Bastide dans La Poudre. Entretien à retrouver ici.

Comme la chienne, de Louise Chennevière

« La destinée de la femme est d’être comme la chienne, comme la louve : elle doit appartenir à tous ceux qui veulent d’elle. »
Sade, La philosophie dans le boudoir.

« Une femme parle. Elle accuse. Elle raconte. Elle prend la voix de plusieurs femmes. Récit fragmenté, éclaté comme les mille images entre lesquelles est tiraillé le corps de la femme. Chaque récit est un instant arraché à l’intime, une voix sauvée du silence, ce silence qui est l’histoire des femmes. Ce texte est une tentative de faire entrer par effraction dans la parole ce qui en a été toujours exclu, dire l’immense violence et les infimes douleurs. Et comment cet intime, le corps, la honte, appartient toujours déjà au monde, par les fantasmes, les discours et toutes les violences qui l’ont façonné et qui le hantent.

Ce livre est un exorcisme. Pour Louise Chennevière, ‘c’est une exploration de ces terres de l’imaginaire collectif qui modèlent notre singularité, c’est une tentative de comprendre comment on advient femme un jour, et pourquoi, quand on croyait avoir échappé à ce devenir déterminé, à ce destin du féminin, il vous frappe un jour comme ça en pleine gueule.’ Chercher à savoir ce que cela veut dire, être faite femme par le monde et déjouer toutes les réponses.

S’agit-il des rêves, des délires d’une même femme ? De femmes différentes ? Il y a les dépossédées, ces femmes aux existences ravies par leur image, un homme, ou la maternité, et les possédées, ces femmes-monstres qui se réapproprient violemment leur corps en prenant en charge l’infamie dont elles ont toujours déjà été frappées. L’histoire des femmes est du côté de cette ‘légende noire‘ des hommes infâmes qui est, selon Foucault, la légende de ces ‘vies qui sont comme si elles n’avaient pas existé’. »

Livre paru aux éditions P.O.L. en avril. En vente en librairie au prix de 18,90 euros.

Vox, de Christina Dalcher

« Jean McClellan est docteure en neurosciences. Elle a passé sa vie dans un laboratoire de recherches, loin des mouvements protestataires qui ont enflammé son pays. Mais, désormais, même si elle le voulait, impossible de s’exprimer : comme toutes les femmes, elle est condamnée à un silence forcé, limitée à un quota de 100 mots par jour. En effet, le nouveau gouvernement en place, constitué d’un groupe fondamentaliste, a décidé d’abattre la figure de la femme moderne. Pourtant, quand le frère du Président fait une attaque, Jean est appelée à la rescousse. La récompense ? La possibilité de s’affranchir – et sa fille avec elle – de son quota de mots. Mais ce qu’elle va découvrir alors qu’elle recouvre la parole pourrait bien la laisser définitivement sans voix…
Christina Dalcher nous offre avec Vox un roman dystopique glaçant qui rend hommage au pouvoir des mots et du langage. »

Livre paru chez Nil éditions. En vente en librairie au prix de 22 euros.

Bandes dessinées

Lily a des nénés – Tome 1, de Geoff

Grandir, qu’est-ce que ça veut dire ?
« Lily a 10 ans. Elle habite un petit village de Bretagne, avec son frère jumeau Titouan. Juste au-dessus de chez eux habite Joshua, un garçon inaccessible dont Lily essaye d’attirer l’attention. Mais la jeune fille a un autre secret : peu à peu, elle découvre qu’elle n’est plus tout à fait une enfant…Venu du monde de l’animation, Geoff signe avec Lily a des nénés un premier livre personnel et grand public, entièrement réalisé en couleur directe au pastel gras. L’auteur décrit avec subtilité un moment particulier de la vie d’une jeune fille d’aujourd’hui, et nous présente des personnages et des décors attachants, que l’on retrouvera dans un second livre – à paraître fin 2019. »

Ce premier tome a paru début mars chez Casterman. En vente en librairie au prix de 14 euros.

Cassandra Darke, de Posy Simmonds

« Cassandra Darke, Londonienne pur jus, vieille teigne misanthrope, mauvaise coucheuse en surcharge pondérale, n’est pas sans rappeler le célèbre Scrooge de Dickens. Elle ne pense qu’à elle-même et aux moyens de préserver le confort dont elle jouit dans sa maison de Chelsea à 8 millions de livres. La galerie d’art moderne de son défunt mari a été le théâtre de fraudes qui l’ont mise en délicatesse avec la justice et au ban de son milieu. Mais Cassandra s’accorde le pardon, au prétexte qu’«à côté de tous ces meurtriers récidivistes, on se sentirait presque comme Blanche-Neige». Ses fautes n’impliquent «ni violence, ni arme, ni cadavre». Hélas, dans son sous-sol, une ex-locataire, la jeune et naïve Nicki, a laissé une surprise qui pourrait bien s’accompagner de violence et d’au moins un cadavre…
Affinant encore sa virtuosité unique, entre roman et bande dessinée, Posy Simmonds poursuit la fresque de l’Angleterre moderne entreprise dans ses livres précédents et donne sa vision au scalpel du Londres brutal et fascinant d’aujourd’hui, «entre paillettes et galères». Son cœur, comme toujours, penche pour les chiens perdus, mais le portrait qu’elle trace de Cassandra, cette femme trop riche à l’hiver de sa vie, est vibrant d’empathie. Pur plaisir. Pur Posy. »

Livre paru chez Denoël Graphic. En vente en librairie depuis le 4 avril au prix de 21 euros.