Missives en écoute #27 : Trois mois sous silence, de Judith Aquien

Entre nos lignes, la capsule sonore et littéraire de notre rubrique Missives en écoute se transforme en podcast, disponible sur la plupart des plateformes d’écoute et sur Acast : https://shows.acast.com/entre-nos-lignes

Entre nos lignes, c’est une dose de pensées inspirantes et engagées, proposées selon l’humeur ou l’actualité, quelques lignes d’un auteur ou d’une autrice lues par la comédienne Marie-Émilie Michel.

Une lecture sans commentaire où seuls comptent les mots.

Entre nos lignes donne à entendre des extraits de romans mais aussi de la poésie, des essais, de la nouveauté comme du classique mais des livres toujours osés et féministes, au sens large !

Une fois de plus, l’intime est politique.
Et questionner ce silence attendu qui entoure les trois premiers mois de la grossesse (que ce soit par superstition, convenance ou réelle envie), c’est finalement aussi s’attaquer à un tabou systémique et à une nouvelle injonction faite aux femmes. Avant ma grossesse, je ne m’étais jamais interrogée sur cette « règle » tacite. Mais, ne pas en parler, c’est en fait encore faire reposer une charge mentale sur les femmes qui devront gérer leur tristesse, leur état, seules et sans pouvoir l’expliquer au travail ou dans leur quotidien.
En France, on estime à 20 000 environ le nombre de fausses couches chaque année. Ce risque pèse de tout son poids tout au long du fameux premier trimestre. La preuve, ce n’est qu’à la fin de ces trois mois, qu’on se verra décerner un certificat de grossesse. Pourquoi ? Une grossesse dure 9 mois. Pourquoi se taire et faire comme si ces trois mois ne comptaient pas. Personnellement, pendant ces 3 mois, j’ai éprouvé une excitation intense en voyant le résultat du test, puis la peur de l’inconnu et de l’arrêt de la grossesse justement, une envie de vomir aussi fréquente que mon envie de fumer (du moins au début, après ça m’a dégoûtée) et je me suis même parfois privée de sorties le premier mois pour ne rien dévoiler. Et puis, pour certain.e.s proches, nous n’avons pas respecté le délai et avons annoncé la nouvelle à 6 semaines. Et j’ai été soulagée. Parce que, de toute façon, si ça ne se passait pas bien, j’aurais envie de partager cela avec les gens qui me sont chers.
Alors bravo à Judith Aquien de participer à libérer vraiment la parole en la portant haut et fort, hors d’un cercle restreint, avec ce livre manifeste. Témoignages, chiffres, retour sur les mythes fondateurs de notre société, analyse du sexisme au travail ou dans le monde médical, le texte est facile à lire, pertinent et important. En plus, il est magnifiquement préfacé par Camille Froidevaux-Metterie.

Marie-Émilie Michel