Pénélope Bagieu, illustratrice au trait vif et tendre, et Lola Lafon, écrivaine du sensible, ont uni leurs talents pour nous entraîner dans une histoire toute en pudeur et délicatesse. Les cases de
cette très soignée bande dessinée alternent couleurs chaudes et froides, dialogues et silences. Le trait
vif, traduit une véritable tendresse pour les personnages, en particulier Mamounette, mais aussi sa fille.
À l’occasion de l’anniversaire de Mamounette, ses trois enfants, jeunes adultes, sont venus la fêter, dans les Landes où habite leur mère. Ils mêlent condescendance pour son caractère à leurs yeux, très conservateur et immense tendresse pour son attention bienveillante, quoique parfois envahissante. Elle est l’archétype même de la mère dans la société hétérosexuelle du début des années 2000. Mamounette a élevé seule ses enfants après un divorce arrivé lorsqu’ils étaient encore très jeunes. Autant dire qu’elle y a passé sa vie, sans occasions de vivre pour elle possible, car élever des enfants, c’est énergivore et chronophage comme en rendent très bien compte les deux autrices.

La preuve en est, le seul moment à elle, comme une chambre à soi, se passe, comme souvent, aux hasards de la vie. En vacances, elle se retrouve seule, enfin livrée à elle-même et au monde qui l’entoure. Cette fenêtre s’ouvre miraculeusement parce que la chaudière de la maison de vacances est tombée en panne, elle expédie les enfants à leur père resté à Paris, qui accepte de « lui rendre service », ce qui l’agace profondément et on la comprend. Se mêlent alors deux histoires, celle de Mamounette, et la seule échappée de sa vie de femme, et celle d’une surfeuse, championne du monde qui se planque car les sponsors préfèrent les blondes filiformes considérées elles comme sexy, acceptées comme telles, dans un monde du surf réputé viril.
« La nuit retrouvée » laisse un goût de cendre. Comment s’émerveiller de ces vies dédiées à d’autres que soi ou planquées par force et renvoyées à la marge car elles ne correspondent pas aux normes hétéronormatives ? Tout cela dans la France du 21ème siècle.




Enfant déjà, les après-midis entières de lecture, la construction de cabanes et les courses en patin à roulettes avec les copines, s’extasier devant un lever de soleil en montagne se nourrissaient mutuellement. Pas de raison que ça change. Lire est une expérience charnelle, construire une cabane une quête métaphysique. Vivre, un grand tout, au jour le jour.