Une semaine avec toi. Une semaine sans toi. C’est le quotidien de nombreux enfants. Et de nombreux parents après une séparation. Dans cet ouvrage qui se lit comme une conversation, une maman et son enfant font l’inventaire des instants qui leur procurent de la joie, que ce soit pendant la semaine passée ensemble ou celle durant laquelle ils vivent séparés. Chaque double page alterne les semaines avec et les semaines sans, mais ce n’est pas pour autant que le moral monte et descend. Bien au contraire, les joies s’enchainent et ne se ressemblent pas. A gauche l’enfant, à droite la maman, chacun s’exprime avec franchise et s’écoute avec bienveillance. Si les joies se font face, elles ne sont pas en compétition mais s’accumulent comme autant de pierres sur l’édifice du réconfort.
Iris Brey (journaliste, autrice, critique de cinéma, spécialiste des représentations de genre et des sexualités au cinéma et dans les séries télévisées) nous livre ici son expérience, les doutes et la culpabilité qui l’ont envahie lors de sa séparation quant au bonheur de son fils Otto. Allait-il supporter cette nouvelle organisation ? Et comment allait-elle, elle, retrouver un équilibre ? Aurait-elle le droit de prendre du temps pour elle ? De vivre des moments de joie sans lui ? Son fils serait-il heureux ? Le titre de l’ouvrage nous rassure en un instant. En faisant la liste de moments vécus ensemble ou séparément, l’autrice met à l’honneur les notions d’autonomie et de liberté. C’est également une grande confiance qui émane de ces échanges : l’enfant s’enrichit de voir sa mère en femme épanouie, tandis que la mère se réjouit de voir son fils grandir en dehors de son cocon.
L’autrice prend appui sur un solide héritage féministe et des théories queer sur le fait de « faire famille » pour insister également sur une galaxie de personnages qui les entourent, elle et son fils, et participent à leur équilibre : sa nouvelle compagne, le père, les grands-parents, son cercle d’ami.es. A travers eux, son militantisme féministe et sororal apparaît comme une force. Les dessins de Anna Wanda Gogusey (repérée par l’autrice et son fils notamment pour le fabuleux « Ma maman est bizarre ») s’imposent avec justesse. Les animaux, anthropomorphes, incarnent les membres de cette famille d’aujourd’hui, leurs museaux souriants et leurs pelages soyeux apportant la douceur et la pudeur nécessaire à ce récit intime et si profondément politique. On retrouve les thèmes chers à cette illustratrice engagée, comme les soirées festives, les poings levés, les gestes d’amour et de liberté. L’album porte la joie en étendard comme une énergie, individuelle et collective, pour oser l’indépendance, comme un acte de résistance, pour lutter contre la culpabilité qui pèse tout particulièrement sur les femmes, et enfin comme un cri, pour hurler l’amour d’une mère à son enfant : tout un art !
Un album paru en mai 2025 aux éditions La Ville brûle.
Passionnée de littérature jeunesse depuis toujours, Lucie Charrier a collaboré avec plusieurs médias gratuits, sur Nantes et sa région, pour partager son goût des récits porteurs d’imaginaire, de poésie, d’engagement et de liberté. Les livres sont pour elle des œuvres d’art à part entière. Attachée aux enjeux de solidarité, de sororité et d’égalité, elle savoure les ouvrages qui, dès le berceau, valorisent toutes formes de luttes féministes et émancipatrices. Quand elle ne lit pas, elle passe son temps à sillonner les écoles, les hôpitaux, les médiathèques pour parler d’art contemporain, puisqu’elle est responsable du service des publics du Frac des Pays de la Loire. Elle soutient également des collectifs de comédiennes engagées qui luttent sans relâche et avec joie contre le patriarcat.
